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mercredi 9 novembre 2016

Déroulé du master et droit à la poursuite d’études. Un accord historique ?

Le mois dernier, nous avions eu droit au tour de passe-passe consistant à faire disparaitre 30 millions d’Euros des caisses du FIPHFP (Fonds pour l’Insertion des Personnes Handicapées dans la Fonction Publique) pour les faire réapparaitre sous la forme de vigiles à l’entrée des universités.
Ce mois-ci, c’est un numéro de grande illusion que nous jouent la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche et le secrétaire d’état chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche : « Déroulé du master et droit à la poursuite d’études : un accord historique ! ».

Pour obtenir un accord historique : la recette !

Il suffit de regarder rapidement la liste des signataires de l’accord pour s’apercevoir que, contrairement à ce qu’affirme la ministre, toutes les organisations représentatives n’apparaissent pas. La Fédération des syndicats SUD Education n’a jamais été reçue par le ministère sur cette question. Notre position sur la sélection à l’université, affichée en mai dernier , nous a-t-elle écartés d’emblée des discussions… ?(1)
Auquel cas, il aurait été plus honnête de préciser dans les détails de la méthode de négociation que seules les organisations représentatives et susceptibles d’être d’accord avec le projet sont invitées. Si la ministre trouve cette méthode efficace, nous avons beaucoup de mal à partager son enthousiasme quant à l’avenir et au choix de la voie de ce qui peut fonctionner.

La grande illusion !

Cet accord en vue de la réforme du cursus conduisant au diplôme national de master est un numéro de grande illusion.
Pour rappel : Suite à la réforme LMD, la loi Fioraso prévoyait de modifier l’accès en 2ème cycle (master). Mais le décret n’est jamais paru.
Dans le flou juridique, certaines universités sélectionnaient à l’entrée du master (M1), d’autres lors du passage en 2ème année de master (M2). Des étudiant-e-s, non sélectionné-e-s en M1 ou M2, ont déposé des recours et le Conseil d’État leur a donné raison. La Conférence des Président-e-s d’Université (CPU) qui prône sans cesse l’excellence, s’est émue de ce jugement. Elle souhaitait « la mise en place d’une orientation renforcée et d’une possibilité de sélection dès l’entrée dans le cycle master ».
Au printemps dernier, pour couvrir juridiquement les établissements et ainsi « sécuriser » la rentrée 2016, le ministère a arrêté par décret une liste de 1300 mentions de master sur 3040 (soit 42% du total des masters) qui peuvent sélectionner entre le M1 et le M2.
Au Conseil National de l’Enseignement Supérieur Et de la Recherche (CNESER) du 18 avril 2016 (consultatif), ce projet de décret a recueilli 19 voix pour, 27 contre et 29 abstentions. Il est en vigueur depuis la rentrée 2016.
Cette solution, conçue pour être temporaire, voit, aujourd’hui, au travers de l’accord « historique » sur le déroulé du master poindre une solution plus définitive mais toute aussi néfaste. Remède de charlatan, cet accord n’a donc pour objectif que de légitimer la sélection à l’Université pour offrir une couverture juridique aux établissements qui la pratiquaient jusqu’alors en toute illégalité.
Hormis le fait que l’accord reconnait, en toute logique, que le diplôme national de master est un bloc de 4 semestres et qu’il est inadmissible qu’il y ait une sélection en milieu de cycle, nous ne voyons aucune avancée significative en termes de démocratisation de l’accès à l’Enseignement Supérieur. Pire, nous pensons qu’un tel projet ne peut que conduire à l’aggravation d’une situation déjà fortement dégradée et à l’amplification des inégalités sociales dans la droite ligne du constat fait par le CNESCO sur l’école dans son rapport scientifique de septembre 2016.(3)

Une sélection qui ne dit pas son nom

Le « processus de recrutement » à l’entrée du master n’est rien d’autre que la possibilité donnée aux universités de sélectionner « leurs » étudiant-e-s. Répondant aux vœux élitistes de la CPU, les établissements pourront ainsi, sous prétexte de capacités d’accueil limitées, créer des voies royales pour les un-e-s et des voies de garage pour les autres, des masters « d’excellence » pour les un-e-s et des masters « poubelle » pour les autres.
Sud Education s’est clairement prononcé contre toute sélection y compris en Master. Rappelons simplement cette notion élémentaire que l’obtention d’un diplôme atteste de la capacité des étudiant-e-s à poursuivre des études. Le Master est donc une suite logique de la Licence
Si les capacités d’accueil de certaines formations de Master ne sont pas suffisantes, c’est au service public de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche de se donner les moyens d’assurer ses missions et d’assumer son ambition « de porter à 60% d’une classe d’âge contre 42% aujourd’hui la proportion de diplômés de l’enseignement supérieur d’ici 2025 (50% en Licence et 25% en Master), et de porter à 20 000 par an le nombre de doctorats délivrés »(4). Or en 2015, les universités reçoivent 195 000 étudiants de plus qu’en 2009 et dans le même temps, 7150 emplois titulaires ont été supprimés.
A contrario de cette sélection inique qui ne veut en rien améliorer l’enseignement mais seulement distinguer ceux-celles qui possèdent ce capital d’être « bien né-e-s », la solution passe par :
  •  la réaffirmation de la mission de l’université : la création et la diffusion des connaissances ainsi que leur critique, la recherche et l’enseignement par la recherche, l’ouverture à tous et toutes sans sélection, y compris aux personnes en reprise d’étude, dans un service public et gratuit ;
  •  la recherche des causes du problème en passant par l’évaluation les conséquences des réformes du système éducatif de la maternelle à l’université sur les dernières décennies.

Le droit à la poursuite des études… pour faire passer la pilule !

Le projet prévoit de créer un « droit à la poursuite des études » . Lorsqu’un-e étudiant-e (titulaire du diplôme national de licence) n’aura reçu aucune proposition d’admission en réponse à ses candidatures à l’inscription dans un master, il ou elle pourra faire valoir son droit à la poursuite d’études. Ce droit peut être immédiat (l’année universitaire suivant celle où il a validé sa licence) ou différé (il conviendra cependant d’articuler ce droit différé avec la durée de la VAE).
L’application de ce droit sera à la charge du recteur de la région académique concernée (là où l’étudiant-e a validé sa licence) selon des modalités précisées dans un texte réglementaire (décret).
Le ou la recteur/trice devra lui faire trois propositions après échange avec les établissements d’enseignement supérieur accrédités en vue de la délivrance du diplôme national de master (universités et grandes écoles) de la région et éventuellement en accord avec les recteurs/trices des autres régions académiques.
Cette liste de propositions devra tenir compte de l’offre de formation existante, des capacités d’accueil, du projet professionnel de l’étudiant, de l’établissement où l’étudiant-e a obtenu sa licence et des pré-requis des formations.(5)
Ce droit n’est assorti d’aucune réelle garantie quant au fait que les propositions faites soient effectivement en lien avec le cursus de licence et le projet personnel de l’étudiant-e. Il ne prévoit pas non plus de dispositif d’accompagnement clair en cas de mobilité géographique autre qu’une bourse/prime d’installation.
Sans un minimum de garantie ce droit n’est qu’un pis-aller pouvant conduire les étudiant-e-s titulaires d’un diplôme national de Licence à renoncer à poursuivre dans l’une des trois propositions faites par le recteur d’académie si celles-ci sont totalement farfelues ou si elles demandent un investissement financier insoutenable.

SUD Education se félicite donc de ne pas apparaitre parmi les signataires de cet « accord historique » mais regrette de n’avoir pas pu exprimer, auprès du ministère, son point de vue sur la question en temps utile.
Depuis des années, l’université s’écarte de ses missions premières pour s’inscrire dans une logique d’adaptation aux nécessités économiques. Les politiques appellent cela : excellence !
Au même titre que nous dénonçons l’excellence scientifique dans sa forme actuelle, nous dénonçons l’excellence des formations dans sa logique concurrentielle et pathogène pour les étudiant-e-s et les enseignant-e-s.

Loi travail : une lutte qui nous rend plus fort-es pour demain

Agir ensemble encore, debout hier et aujourd'hui...

Cette lettre ouverte n'est ni un bilan final, ni un constat d'échec. Elle est une invitation à nous nourrir de tout ce que nous avons pu faire collectivement durant cette mobilisation. Elle est un appel à construire de nouvelles formes de lutte avec toutes les forces qui refusent de se résigner, ici et maintenant, et pour demain.

Tract Solidaires:

https://www.solidaires.org/Loi-travail-une-lutte-qui-nous-rend-plus-fort-es-pour-demain