Le 8 avril 2014 notre Président
annonçait une future communauté d’universités et d'établissements (COMUE) à «
cinq » avec les universités de La Rochelle, Limoges, Orléans, Poitiers et
Tours, les écoles et les organismes de recherche présents localement (CNRS,
BRGM, Inserm, Inra, etc.). Il annonçait également le développement de pôles
scientifiques d’excellence, d'envergure et de compétitivité
internationales tout en promettant de maintenir l’ancrage territorial et
la proximité pour la réussite des étudiants, l’épanouissement des personnels,
le développement économique des territoires (sic).
Ultime étape de l’autonomie des
Universités, les dispositions de la loi Enseignement Supérieur et Recherche (ESR)
2013 engagent l’ensemble des établissements d'Enseignement Supérieur et de la
Recherche à coordonner, sur un site académique ou inter-académique, « leur
offre de formation, leur stratégie de recherche et de valorisation » avec trois
possibilités : la fusion, la communauté,
ou l’association à un autre établissement.
En 2006, la loi Fillon de
programme pour la recherche a créé les « Pôles de recherche et d’enseignement
supérieur » (PRES). Le but des PRES était, selon un rapport de l’Inspection
générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche
(IGAENR) de 2007, de permettre « l’amélioration du rang des universités
françaises dans le classement de Shanghai grâce à la signature unique des
publications ». Ce n’était cependant pas en créant des mastodontes
universitaires avec des d’enseignants et/ou chercheurs dépourvus de moyens,
qu’on allait rivaliser avec Harvard et Oxford ! Le classement de Shanghai
n’était en fait qu’un prétexte à introduire la logique du benchmarking
(référenciation, étalonnage, parangonnage) dans l’ESR, une économie de moyens
et la logique de concurrence généralisée entre établissements.
Nous pensons que le choix de la COMUE est mauvais. Tout d’abord, la
COMUE implique un transfert de souveraineté ; les décisions prises dans les
instances de la COMUE s’imposent aux établissements membres. Cette modalité de
regroupement rajoute une strate dans le mille-feuille, composée d’un Conseil
d’administration, d’un Conseil académique et d’un Conseil des membres. À
l’échelle de nos régions, on imagine aisément ce que cela produira en termes
d’éloignement de ces nouveaux administrateurs du commun des mortels que nous
constituons. En outre, la COMUE concurrencera ses établissements membres pour
ses ressources financières et induira une économie d’échelle, de moyens et de
l’offre de formation. Chaque université devra renoncer à choisir elle-même son
offre de formation qui se décidera au niveau de la COMUE négociant directement
avec le ministère. Concrètement cela signifie la menace d’une restriction des
enseignements sur chaque site, pour n’offrir certaines spécialités que dans un
seul endroit, au détriment du service public et des étudiants, forcés d’aller
dans une ville éloignée ou de renoncer à leur choix d’études. Cela signifie
également une gestion d’ensemble pour les postes BIATOSS et enseignants, avec
des arbitrages qui suppriment et déplacent les emplois. Car les COMUE,
contrairement aux PRES, possèdent le statut d’établissement public : elles
peuvent gérer le recrutement des personnels au même titre qu’une université,
prélever aussi des moyens dans chaque composante. C’est la COMUE qui devient
l’interlocuteur principal pour l’état : l’autonomie proclamée des universités
est en fait totalement remise en cause. Il ne reste que l’obligation de gérer
sur place la pénurie. Enfin L’intégration dans les COMUE d’établissements
privés leur permettrait de délivrer des diplômes et de bénéficier des
financements provenant de l’état, au détriment de l’enseignement public. La
COMUE préfigure aussi la future fusion et la création de grands établissements
libres de fixer à leur guise les frais d’inscription.
«Nous serons mis à la portion
congrue si nous restons seuls». Ne rêvons pas, l’Etat ne va pas se montrer plus
généreux avec les COMUE simplement parce que nous aurons eu la sagesse de
choisir la COMUE. Bien au contraire, la superstructure qui va chapeauter tous
les établissements va absorber les financements et conduire à l’asphyxie de ses
membres.
Les exigences de la démocratie
Suivant le texte de la loi,
l’adhésion aux COMUE doit être votée par les différents CA, sachant que le
gouvernement doit finalement arbitrer par décret. Mais comme les élections aux
CA ont eu lieu avant la proposition de loi, ni les présidents ni les CA n’ont
reçu le moindre mandat pour assumer à eux seuls ce genre de décision, dont
l’enjeu est crucial pour l’avenir.
Un juste exercice de la
démocratie impose donc de réaliser, dans chacune des universités concernées, un
véritable débat avec l’ensemble des personnels pour qu’ils se prononcent sur un
projet dont le contenu soit clairement affiché. Au lieu de cela, on nous
propose une information réduite à quelques grands principes sans aucune précision
concrète, et dans un langage technocratique truffé de formules vides de sens.
SUD-Éducation appelle à une large
mobilisation, pendant qu’il en est encore temps, pour exiger d’abord une
information précise, qui ne se limite pas à l’affirmation de «valeurs»
abstraites, puis un véritable débat sur le projet effectif, avec ses modalités
juridiques, pour ne pas risquer de voir se mettre en place de façon définitive
des stratégies qui pénaliseraient le service public, sous prétexte de
rationaliser les formations et la gestion des personnels.
Nous appelons les autres syndicats à
combattre avec nous pour imposer ces légitimes revendications démocratiques, en
organisant des AG communes dans les composantes et sur les différents campus.
Nous appelons aussi les syndicats et les personnels des autres universités à
mener le même type d’actions car nous sommes solidaires au sein du service
public de l’enseignement supérieur.
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